EpiLAB propose un test tout terrain de dépistage de la tuberculose. Dans cette interview croisée, Clément Dubois et Maurice Lubetzki, ses co-fondateurs reviennent sur leur 6 mois d’accompagnement au sein de la promotion#12 de l’incubateur de Polytechnique (X-Up) géré par Roberta Camera, et opéré, par Caroline Laroche-Renaud et David Fletcher, des mentors du cabinet d’entrepreneurs INSKIP.
En guise d’introduction, pouvez-vous présenter le programme et le parcours type par lesquels passent les startups?
Roberta : Le parcours X-Up est le programme d’incubation de l’Ecole polytechnique pour des startups early stage Deeptech. Le but est d’incuber de plus en plus des projets qui sortent de la recherche scientifique et qui souhaitent aller sur le marché. Nous allons détecter des projets qui ont une perspective concrète de marché et qui ont déjà eu un peu de recul sur leur offre.
Nous travaillons sur les différents volets de la création d’entreprise en proposant un parcours de formation et d’accompagnement très structuré, grâce à l’aide d’INSKIP et à celle d’experts. Nous mettons aussi à la disposition des startups, notre vaste espace de prototypage, multi-pôles d’expertises pour la création et le support technologiques. Ce programme sur 6 mois répond à toutes les questions des startups sur les aspects juridiques, comptables, financiers, aussi marketing et communication.
D’anciens élèves de l’Ecole polytechnique et d’autres écoles de l’Institut Polytechnique de Paris sont mentors. Ils aident les startups sur leurs besoins allant du guidage sur la stratégie, à la mise en contact sur le marché visé, en passant par des avis spécifiques comme par exemple concernant la propriété intellectuelle.
Cette année, pour la première fois, les startups ont eu l’occasion de choisir elles-mêmes leurs mentors grace à organisation d’une journée de speed dating en ligne, ce qui a été très apprécié. À la fin du programme, un Demo Day est organisé à Paris avec les investisseurs pour que les startups présentent leur pitch.
David : Au cours du parcours, les Entrepreneurs en Résidence (EIR) ont 3 rôles :
- Transmettre des clés sur la manière de mener à bien un projet entrepreneurial
- Voir comment ces clés se traduisent pour les projets spécifiques
- Faire avancer au mieux les projets, en réfléchissant avec les entrepreneurs, en comprenant leurs points de blocage, en verbalisant leurs inquiétudes ou enjeux, et en les faisant sortir de leur zone de confort
Combien de startups ont été accompagnées ?
Roberta : L’incubateur est né en 2015 et jusqu'à aujourd’hui nous avons accompagné 58 startups. Nous avons deux promos par an avec au maximum 9 projets par promo.
Est-ce que le programme a évolué sur cette nouvelle promo ?
David : Cette année, il y a eu un enjeu lié au distantiel, pour réussir à créer une relation de confiance à distance. De plus, d’une promo à l’autre, le contenu change, par exemple à quel moment on introduit quelle notion ? On s’adapte en fonction des besoins des entrepreneurs et de la nature de leurs projets.
Roberta : Cette année, nous avons renforcé le nouveau programme avec Caroline et David, en travaillant par sprints et en créant des formations sur de nouveaux sujets . Nous avons augmenté le nombre d'ateliers de 50% par rapport à l'année dernière, et nous essayons de rendre les ateliers plus ciblés et pragmatiques. Nous avons également amélioré notre programme de mentorat, en donnant à chaque start-up la possibilité de choisir pour la première fois jusqu'à trois mentors dédiés à leur projet, en plus des experts mis à disposition par l'incubateur.
Maurice : Faire des ateliers courts est très important. C’est dur pour des entrepreneurs de rester 2 heures assis !
Roberta : C’était difficile de faire des ateliers en ligne cette année. Je suis en contact et alignée avec les incubateurs américains, avec l’idée de faire des ateliers plus courts et interactifs.
Si on revient au début de l’accompagnement de Maurice et Clément, d’où est né le projet et quelles étaient vos attentes en intégrant le programme ?
Clément : On voulait commercialiser les technologies développées par des chercheurs. En mars 2020, on est rentré en contact avec Elodie et Muriel, nos co-fondatrices. On a travaillé sur ce projet pendant quelques mois avec Maurice, pendant le premier confinement.
Ensuite, on a vu l’appel à projets de l’incubateur, la vidéo en 9 points, et on a trouvé ça génial car c’était exactement les points sur lesquels on avait besoin d’accompagnement : prototyper notre produit, valider notre vision, etc. On voulait savoir ce qu’il fallait faire et ne pas faire, et avoir des ressources.
Donc on a postulé et on a échangé plusieurs fois avec l’incubateur avant d’être sélectionnés.
À l’issue du bac à sable (période de pré-incubation), on est sorti avec un deck et une vision plus claire.
Par rapport à vos attentes sur le programme, qu’est-ce qui a été différent finalement ?
Maurice : Quand on a mis les pieds à Polytechnique, on n’avait pas d’attentes, mais on savait qu’à l’X, il y avait de bons laboratoires de recherche pour nous aider sur le produit.
On a ensuite pris conscience d’une chose qu’on ne savait pas, l’importance de bien communiquer sur son projet, ce qu’on n’aurait pas bien fait sinon. Notre proposition de valeur, c’est de soigner la tuberculose, donc de sauver des vies. Être plus précis et impactant dans un temps plus court permet aux gens de mieux comprendre et de faire confiance plus vite, ce qui est fondamental dans notre écosystème. Le programme nous a permis d’arriver au discours que l’on a aujourd’hui, de pouvoir pitcher en 30 secondes, en 5 minutes, ou en 20 minutes.
Quelles ont été les grandes étapes de l’accompagnement par lesquelles vous êtes passés ?
Maurice : Voici schématiquement les grandes étapes :
- Le début a été décorrelé d’INSKIP et de Polytechnique. On a tout fait pour obtenir notre licence de brevet.
- Ensuite, on a monté notre équipe.
- Puis on a travaillé sur notre roadmap à 6 mois, 1 an et 3 ans.
- Puis on a réfléchi au produit : est-ce qu’on le fait avec nos propres ressources, ou est-ce qu’on l’externalise. On a choisi d’externaliser très vite.
- On s’est rendu compte qu’il fallait qu’on prenne quelqu’un pour utiliser toutes les ressources de l’X. On a fait notre premier processus de recrutement d’un ingénieur.
- Ensuite, on a élaboré notre stratégie de financement à 3 ans.
- Pour ça, on a échangé avec Caroline, par boucles, sur notre roadmap, et elle a fait évoluer nos choix.
- On a eu ensuite un ingénieur produit, un partenariat bien ficelé avec l’INSERM, un business plan très carré et une stratégie de levée de fonds qui arrive maintenant à son terme.
Dans nos échanges hebdomadaires, Caroline était présente chirurgicalement pour nous dire ”faites ça de telle façon”, “discutez avec telle personne”, et ainsi de suite. C’était le seul moment où on se remettait en question devant une tierce personne. On faisait un point sur ce qu’il nous restait à faire exactement, et pourquoi on devait faire telle chose maintenant plutôt que dans 6 mois.
Roberta et David, avec votre regard extérieur, quelles sont les actions qui ont permis au projet d’avancer ?
Roberta: La capacité d’écoute de Maurice et Clément leur a permis de suivre les avis des mentors.
Mais ce qui distingue vraiment l'équipe d'EpiLAB, c'est sa grande capacité d'exécution et sa passion pour l’entrepreneuriat. En très peu de temps, Maurice et Clément ont réussi à convaincre les acteurs clé de leur écosystème de croire et de soutenir leur projet. Cette crédibilité de l’équipe s'est manifestée dès ma première rencontre avec Maurice et Clément, et c'est ainsi, que leur projet très ambitieux, a été retenu pour le programme d'incubation de l'École polytechnique.
Le processus de sélection chez X-up est très dur, il y a trois phases de sélection pour chaque promotion : sur la base de la candidature, du pitch et de la période de pré-incubation de deux semaines connue sous le nom de " sandbox ". Il s'agit d'une période pendant laquelle les entrepreneurs ont l'occasion de remettre en question et de faire avancer leur projet grâce à la présence de divers experts. À la fin de cette période, chaque projet est présenté à un comité final afin d'effectuer une sélection définitive. Cette année, nous avons reçu environ 100 candidatures pour un total de 9 places disponibles et seuls 7 projets ont été sélectionnés.
David : Une étape dont Maurice et Clément n’ont pas parlé et qui illustre bien pourquoi ça a bien fonctionné est leur découverte du marché. Ils se lancent dans le marché des dispositifs médicaux. C’est un marché tentaculaire, compliqué et opaque, qu’ils ont fini par connaître en rencontrant du monde. Ils sont à la fois très à l’écoute et dans l’action. Ils ont rencontré très vite « monsieur et madame tuberculose ». C’est une première clé de leur avancement, qui a été impressionnant ces derniers mois.
Maurice : Merci ! Avec Clément, on marche très bien à la confiance. Quand quelqu’un a plus d’expérience que nous, on l’écoute. Cela nous a permis de ne pas faire trop d’erreurs. On avait envie de savoir ce qu’on devait faire. Par exemple, on se posait des questions sur le choix de notre dernier investisseur. Caroline nous a tellement challengé toutes les 2 semaines, sur qui devait rentrer dans notre boite et quand, que l’on a fini par intégrer cette manière de penser par questionnement. Ces questions sont très stratégiques : on peut multiplier la valorisation d’EpiLAB par 2 au prochain tour de table si on choisit bien notre tour de table.
Quel est le rôle de l’EiR (Entrepreneurs en Résidence) selon vous ? Comment le définiriez-vous, et que vous a-t-il apporté ?
Clément : L’EiR a ce recul que nous, qui sommes à fond dans le projet, nous n’avons pas. Caroline nous disait d’arrêter de nous concentrer sur quelque chose quand ce n’était pas nécessaire ou au contraire d’approfondir un axe. Je pense que les piliers de l’EiR sont le recul et l’expérience.
L’EiR connait les enjeux du projet, il voit son évolution par phase de 2 à 3 semaines, et donc il nous rappelle ce dont on a parlé au précédent point. Cela nous a permis d’aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin.
Maurice : Il y a une vraie collaboration entre INSKIP et l’X. On n’aurait pas pu faire ce qu’on a fait avec INSKIP uniquement. Par exemple, l’X nous a permis d’avoir deux stagiaires. Cela nous a fait gagner un temps incroyable. Cela nous a permis de clarifier des choses et de nous concentrer sur l’important.
Roberta : Les stagiaires doivent être dédiés aux missions pour les startups, c’est un point que je souhaite approfondir dans le programme. Cette année, on a travaillé avec INSKIP non pas comme un fournisseur mais comme un partenaire : on était coordonné sur tous les sujets. On avait l’accompagnement d’INSKIP sur la partie EiR mais aussi sur la stratégie, car ils connaissent très bien les structures d’accompagnement de startups grâce à leurs clients corporates. Par exemple, on a réfléchi sur la structuration du programme car on était dans une période de réorganisation. On a aussi réfléchi aux différentes sprints, et le rôle d’INSKIP a été très bénéfique grâce à son expérience avec d’autres incubateurs.
David : Nous sommes des intervenants généralistes sur le programme. on ne fait pas de plongée en profondeur sur l’élaboration d’un prototype dans un Fablab. On essaie d’accompagner le programme dans sa globalité, d’où ces discussions avec Roberta. On veut que cela ait le plus de sens possible, que cela soit le plus utile pour les entrepreneurs, que cela serve les objectifs de l’X et du programme.
On a beaucoup parlé de vos succès et de là où vous en êtes. Si vous revenez à là vous où en étiez quand vous avez démarré, est-ce qu’il y a des choses où vous vous dites maintenant que vous les feriez différemment ? Avez-vous une anecdote sur cela ?
Clément : Pour moi, le principal élément, c’est la levée de fonds : la recherche de fonds, notre relation avec les Business Angels, la manière dont on se présentait. On ne savait pas avec qui on discutait et ce qu’attendaient les Business Angels, les VC et les gros Groupes. Une de nos premières négociations était avant l’X : on a négocié x% de commissions pour pouvoir utiliser le brevet. Peut-être qu’aujourd’hui on le ferait différemment et qu’on leur proposerait un peu moins.
Quel est votre meilleur, ou le moment qui vous a le plus surpris durant cet accompagnement ?
Clément : Très clairement, quand on a été pris, c’était un très bon moment. Après toutes les discussions, on a compris que c’était dur d’intégrer l’incubateur. Un autre très bon moment est récent, c’est quand on a sécurisé notre levée de fonds.
Maurice : Un de mes meilleurs moments de l’incubation, c’est quand on a rencontré l’un de nos mentors. Je me suis rendu compte du potentiel que cela représentait. Franchement je n’ai jamais vu ça de ma vie, les gens avec qui il déjeune sont vraiment intéressants. C’était génial parce que ça nous a fait gagner un temps fou. Lui nous prenait au sérieux et les gens nous ont aussi pris au sérieux. On a créé une relation de confiance avec lui.
Clément : Je pense que notre premier recrutement était un des meilleurs moments. Quand notre premier stagiaire a rejoint l’équipe, on est devenu une équipe de trois. On a trouvé ça super en tant qu’entrepreneurs et en tant que société. Ça nous a fait vraiment avancer.
Roberta : Honnêtement, pour moi, le meilleur moment de l’accompagnement avec EpiLAB, c’est chaque lundi lors du point objectif hebdomadaire de X-Up qui nous permet de faire le bilan avec nos start-ups sur la semaine passé et de planifier les activités de la semaine en cours. En effet, Clément et Maurice nous communiquent toujours des bonnes nouvelles: leur prototype a avancé, ils ont sécurisé des fonds, etc. C’est toujours très stimulant de travailler avec eux parce qu’ils avancent très vite et avec grand enthousiasme !
David : J’aime bien le bac à sable. On arrive et on ne connaît pas les startups. On se demande si ça va prendre et si on va leur apporter quelque chose, car elles arrivent toutes avec différents niveaux de maturité. En général, ils ont déjà réfléchi à leur marché, à leur proposition de valeur, etc. Quand on se rend compte qu’il y a quand même de gros sujets à creuser et que cette relation accroche, c’est assez cool. Et les startups discutent entre elles. Il y a quelque chose qui se crée à ce moment-là.
Bien sûr, à la fin, quand on a connu les projets au début, qu’on a vu les premières présentations, les premiers pitchs, ça fait plaisir de voir l’évolution.
Pourriez-vous définir cet accompagnement en quelques mots ?
Clément : Les bons conseils, au bon moment. On va vous dire les bonnes et les mauvaises pratiques. C’est ce qu’on cherchait. Le toolkit pour aller plus loin et ne pas commettre les erreurs classiques.
Maurice : X-Up et INSKIP, le couteau suisse de l’entrepreneur confiné 2020 ! Efficacité, car on a réussi à avoir les éléments dont on avait besoin au bon moment. Flexibilité, car certaines semaines je ne pouvais pas faire toutes les choses que X-Up me demandait et ils ont compris qu’on était sous pression et nous ont laissé le champ libre.
Roberta : De mon côté, c’était une expérience passionnante :. Aider nos startups à progresser concrètement chaque jour est ce qui me passionne. De plus, l'objectif de X-Up est de faire avancer des projets technologiques de pointe qui visent à contribuer à l'amélioration de la société française et c'est vraiment ce qui motive mon travail au quotidien.
David : Sur la collaboration avec X-Up et Epilab, l’essai est transformé. Et côté INSKIP, on part sur une nouvelle promo, donc on est super contents de continuer à travailler sur des sujets Deeptech et avec un écosystème aussi riche. Epilab rempile aussi ! Donc on transforme ce premier essai et on continue en s’améliorant encore et toujours.