Cet article reprend quelques propositions issues de l’ouvrage “Inventer les villes durables” (Ed. Dunod, 2022), dans lequel nous revenons sur les horizons des villes durables et les conditions à réunir pour les construire de façon plus large et efficace.
Les villes bénéficient de plusieurs sources de financement pour mettre en oeuvre et accélérer leur transformation.
La première catégorie de dispositifs susceptibles de venir financer la transition des villes réside dans l’investissement à impact, public et privé. Aux Pays-Bas, le gouvernement propose depuis 1995 aux investisseurs des obligations vertes en contrepartie d’incitations fiscales. Le produit de ces obligations est utilisé pour financer des projets verts sous la forme de prêts à taux préférentiel. Le programme du Green Funds Scheme porte ainsi sur le financement d’éoliennes, de panneaux solaires cellules, hydroélectricité, pompes à chaleur ou l’utilisation de la chaleur résiduelle pour le chauffage urbain. Sont aussi éligibles les grands projets engagés dans la rénovation énergétique. Depuis 2001, les projets du Green Funds Scheme ont conduit à une diminution des émissions de CO2 d’en moyenne 0,5 million de tonnes par an à l’échelle du pays.
De la même manière, pour les projets ayant trait à l’inclusivité, des émissions obligataires à caractère social peuvent être émises et les parties (émetteur et acheteur) subventionnées par l’État si les objectifs sociaux prédéfinis sont atteints (par exemple, si projet contient une certaine part d’habitats sociaux, ou qu’il permet effectivement l’insertion sociale de publics fragiles).
Ces dispositifs sont encouragés par l’Union Européenne. Elle y voit l’occasion de financer des projets qu’elle co-finance par ailleurs directement ou indirectement, par le biais de fonds dédiés à la transition énergétique, l’inclusion sociale, les nouvelles mobilités ou encore la résilience climatique.
Un troisième acteur intervient parfois pour co-financer les projets à impact au sein des villes, aux côtés des États et ou d’institutions supranationales comme l’Union Européenne, ce sont les fondations. Souvent américaines et spécialisées sur les thématiques de la ville, elles viennent financer des programmes liés à la résilience, l’inclusivité ou encore la ville zéro-carbone. On peut citer à titre d’exemple Bloomberg Philanthropies, et 100 resilient cities de la fondation Rockefeller, programme mis en sommeil, mais qui a notamment contribué au financement des cours Oasis à Paris.
Les projets soutenus par les institutions publiques ou les organisations à but non-lucratif sont généralement tenus de produire des communs et des retour d’expérience détaillés. Cette démarche ouverte contribue à promouvoir un partage des méthodes et des outils innovants à l’échelle de toutes les villes. On l’a vu avec le projet des cours Oasis. Si Paris ne fut pas la première ville à mettre en place un tel projet, les ressources qu’elle a pu produire grâce au soutien notamment de l’Union Européenne (via FEDER) et de la fondation Rockefeller furent très utiles pour d’autres villes qui se sont par la suite engagées dans une démarche similaire.
Les villes ne sont pas en reste dans le financement de la transition, et interviennent non seulement en tant que financeur, mais aussi en tant qu’investisseur. Rotterdam a ainsi créé son fonds d’impact (« Social Impact Fund Rotterdam »), qui propose 3 types de financements selon la maturité des entreprises soutenues : assistance technique (en phase amont), financement d’amorçage et de capital-risque sous forme de prêts, de fonds propres et de combinaisons des deux. Les fonds consistent en des subventions et de la dette convertible. Ils s’accompagnent parfois de contrats avec les collectivités locales. Le fonds est géré sous la forme d’une coopérative, ce qui permet une concertation large autour des projets et permet d’impliquer toutes les parties prenantes locales. C’est l’une des grandes particularités de ce fonds d’être non seulement ouvert dans sa gouvernance, mais aussi local, avec par conséquent des projets ancrés, aux résultats mesurables.
Si Paris dispose également d’un fonds d’investissement territorial destiné à soutenir les PME innovantes œuvrant dans le domaine de la transition énergétique et écologique, le fonds est simplement géré par un investisseur spécialiste en la matière. Cela implique moins de concertation autour des investissements et moins de coordination avec les entités de la ville (pour doubler les fonds alloués de subventions ou d’aide technique). Le fonds est par ailleurs dédié aux projets applicables dans les grandes métropoles. Sa portée n’est donc pas locale, ce qui rend la mesure d’impact plus compliquée. Dans tous les cas le fonds mandaté ne mesure que le retour sur investissement financier.
Pourtant qui dit « fonds à impact », dit normalement définition et mesure de l’impact. À cet égard, il est crucial de bien regarder sur quels critères les projets peuvent être soutenus et suivis, pour garantir aux villes le retour sur investissement escompté.
Pour des fonds publics à impact qui prennent en compte le triple résultat social, environnemental et financier des entreprises
À quoi ressemble le succès des entreprises dans lesquelles nous investissons, s’interroge le Social Fund Impact de Rotterdam ? Chaque entreprise soutenue définit des indicateurs propres à la problématique qu’elle adresse, comme la pollution environnementale, le chômage structurel ou encore la pauvreté. En amont de l’investissement, un « impact plan » est défini et validé, conjointement au traditionnel « business plan », avec des objectifs chiffrés et la méthodologie permettant de mesurer l’atteinte de ces objectifs. Un tiers partenaire de la ville, The Thrive institute, est chargé d’effectuer les mesures nécessaires sur la base de l’impact plan. Pour encourager les entreprises à atteindre leurs objectifs en termes d’impact, le fonds a imaginé un contrat de performance qui permet de rémunérer les entrepreneurs sociaux proportionnellement à l’atteinte d’objectifs sociaux, cela afin de sortir d’une grille de rémunération strictement indexée sur les performances financières de l’entreprise.
Pour nous, cette approche fait figure de modèle. Il faudrait tendre vers des dispositifs de fonds publics de ce genre, qui autorisent des formes de coopération, garantissent des liens étroits avec les collectivités, soit ancrés dans les territoires, et comportent un plan d’impact conséquent. Il faudrait imaginer un organisme tiers sur lequel les collectivités reposeraient, pour valider en amont le plan d’impact, et mesurer l’impact de chaque entreprise post-investissement. Cet organisme bâtirait une méthodologie qui bénéficierait à toutes les métropoles et permettrait d’homogénéiser les pratiques en matière d’investissement à impact public.
Livre complet accessible ici : Inventer les villes durables : Idées et outils pour relever les défis d'aujourd'hui (Matthieu Chéreau & Maxime Guillaud)